L'ENFER (1964)

 Projet pharaonique avorté, maintes fois évoqué mais jamais offert au regard des spectateurs

L'ENFER (1964)




En 1964, Henri Georges-Clouzot caste Romy Schneider et Serge Reggiani pour incarner un couple filmé en caméra subjective.

Après s'être minutieusement documenté auprès de psychiatres sur les troubles du comportement liés à la jalousie, il entreprend à l'été 1963 la rédaction d'un scénario centré sur ce thème : l'histoire d'un homme (Marcel), patron d'un petit hôtel en province, obsédé par les infidélités supposées de sa femme (Odette) et qui le feront sombrer peu à peu dans la folie.


  Le réalisateur veut filmer le cerveau malade de son héros, mettre sa paranoïa et ses cauchemars en images.
Le film dispose d'un budget illimité et le réalisateur entreprend un tournage ambitieux.



Mais, il est tragiquement interrompu au bout de trois semaines par l'infarctus de son réalisateur. Un rêve artistique qui a viré au cauchemar. «À trop vouloir s'approcher de la perfection formelle et de son rêve improbable, il s'y est brûlé les ailes», estime Serge Bromberg à propos de Clouzot.




En , Henri-Georges Clouzot explique : « Mon film L’Enfer est dans le pourquoi ? Parce que je suis tombé malade. Pourquoi ? Parce que la journée de tournage de L’Enfer coûtait si cher que j’étais obligé, pour couvrir les frais, de travailler à deux équipes au minimum seize heures par jour. Je ne vois pas bien qui aurait résisté. »



  Clouzot profite du budget qu'on lui confie pour expérimenter différents procédés et effets cinétiques. 
Il met au point avec Éric Duvivier - qui avait réalisé avec Henri Michaux Image du monde visionnaire, film illustrant des visions hallucinatoires sous mescaline - un système d'éclairage particulier, l'Héliophore






 Pendant six mois, Clouzot tourne les essais préparatoires de L'Enfer dans le huis clos des Studios de Boulogne. Romy Schneider devient objet de fascination. Il la filme, des heures durant, le visage recouvert de paillettes et d'huile d'olive, ou bien peint avec un maquillage multicolore. Elle n'a jamais été aussi belle. 
Hypnotique, incandescente, érotique, sensuelle, elle se prête à tous les fantasmes, à tous les désirs cinématographiques de Clouzot.



En 1930, Louis Dufay invente un procédé d’impression sur feuilles d’aluminium inspiré de l’irisation des ailes des papillons Morpho.
 On lui doit déjà la technologie Dufaycolor utilisée depuis le début du siècle en photographie couleur, auquel nous avons consacré un article séparé. 
Grand collectionneur de papillons, il découvre que les stries des ailes des Morpho, ces majestueux papillons bleus, permettent de refléter la lumière. Il invente alors un moyen de reproduire ces effets : l’héliophore.







CINEMATHEQUE


"Parmi les dessins, se trouve une part importante du travail de préparation graphique effectué par le décorateur Rino Mondellini et ses assistants entre les mois de janvier et août 1964. 

Ces croquis sont de deux types : des dispositifs de tournage (réalisés sur de grandes feuilles de calques indépendantes les unes des autres) et des images opérées (réalisées également sur calque mais assemblées dans des cahiers à spirales de format A2). 

Les premiers, très proches dans leur forme du plan d'architecte, sont destinés à fixer les emplacements et mouvements de caméra en fonction des déplacements des personnages et des contraintes du décor ;

 les seconds, s'apparentent au premier coup d'œil à un storyboard, il s'agit en réalité de croquis d'une plus grande technicité qui offrent une visualisation du plan prenant en compte les dimensions précises du décor, l'emplacement de la caméra mais également la focale utilisée. 

Divergeant dans leur forme, ces deux types de croquis se complètent parfaitement, l'image opérée adoptant le point de vue de la caméra telle qu'elle a été positionnée dans le dispositif de tournage.

Cet ensemble de croquis, loin d'offrir une unité de style, se présente sous des formes variées.

 On y trouve des originaux aussi bien que des copies sur papier ozalid, certains ayant été retouchés, d'autre non. La finition des croquis est également très variable, des dispositifs de tournage tracés hâtivement à main levée et couverts de corrections et ratures voisinent ainsi avec des plans clairs et précis, réalisés de façon extrêmement professionnelle. Les images opérées, bien que regroupées de manière cohérente dans des cahiers, offrent les mêmes contrastes.

 Réalisés de toute évidence par plusieurs assistants décorateurs, elles sont parfois très réalistes parfois plus schématique, certaines s'approchant même du dessin technique. 

Mais au-delà du style très hétérogène des dessins, on reste saisi par la grande rigueur logique qui se dégage de ce fond documentaire. La numérotation systématique des plans1, l'adoption de codes de couleurs rigoureux sur les dispositifs de tournage, la désignation des personnages par leurs initiales, sont autant de précisions qui permettent une lecture détaillée et approfondie des documents, offrant au chercheur une illustration particulièrement intéressante de la méthode de préparation graphique adoptée par Clouzot."







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